Pour cette 10e édition du datajournalismelab, notre équipe s’est posée une multitude de questions. La première : quels sont les thèmes majeurs des régionales 2021 ? L’environnement s’est imposé comme une évidence. Nos recherches ont alors commencé. La lecture d’une enquête de France Info sur l’agriculture et le retard de la France sur ses objectifs de conversion bio a suscité notre intérêt. Alors que le gouvernement a promis d’atteindre 15% de cultures biologiques en 2022, l’objectif paraît inatteignable avec 8,5% à l’échelle nationale fin 2019. Mais où en est la Nouvelle-Aquitaine ? Est-elle plutôt une bonne ou une mauvaise élève ? Quelles sont les aides disponibles ? Quelle est la répartition à l’échelle de la région ? Nicolas Thierry, élu de Gironde et candidat à l’élection régionale 2021, veut faire de la Nouvelle-Aquitaine la première région écologique d’Europe.
Des heures de recherches, de réunions Zoom et d’épluchage de données plus tard, l’équipe a dressé un bilan de l’agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine. Avec 7.4% de cultures biologiques, la région du sud-ouest est elle aussi bien loin de son but. Quels sont les freins, les obstacles qui apparaissent sur le chemin du biologique ? Freins financiers, psychologiques, techniques… Au fil de nos recherches, la liste s’est allongée. Alors, l’équipe a décidé de décortiquer deux points primordiaux, les financements et le rôle de l’eau, sous la forme de deux enquêtes complémentaires.
Enquête 1 : Les financements
Les aides financières sont un atout énorme brandi par les politiques à la fois pour attirer les agriculteurs mais aussi pour pérenniser leurs pratiques biologiques. Des aides régionales sont disponibles pour les exploitants, en général, sous plusieurs conditions mais la PAC est celle qui est sur le devant de la scène. Certaines aides telles que l’aide à la conversion à l’agriculture biologique (CAB) incitent à entamer une démarche dans le bio. Pourtant, en regardant de plus près, nous nous sommes rendus compte que ces aides sont insuffisantes ou inadaptées au bio. Cette enquête donne des éléments de réponse.
Enquête 2 : L’eau
Cette notion n’était pas du tout une priorité à nos yeux au moment de commencer notre enquête. Au fil de nos recherches, elle est devenue centrale. La séance plénière du Conseil Régional nous a mis la puce à l’oreille. Alors que le renouvellement du Pacte d’ambition régionale pour l’agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine était présenté devant l’assemblée, chaque intervenant mentionnait la problématique de l’eau. Cela nous a dirigés vers les Aires d’alimentation et de captage d’eau (AAC), présentes dans le Pacte et permettant aux agriculteurs de toucher plus d’aides. La question suivante s’est alors posée : alors que la région insiste et finance la conversion d’exploitations en agriculture biologique dans les zones à enjeux eau, quelle est la situation du bio dans les AAC ?
Limites et Difficultés :
1. Autour de notre enquête sur le financement :
Pour illustrer notre première enquête nous avons voulu montrer la complexité de la PAC avec ses conditions diverses. Âge, département, type de culture, type de terrain… ce ne sont que quelques variables parmi d’autres qui ont un impact sur le montant reçu de cette aide financière. Pour cela, notre équipe a d’abord voulu dresser le portrait d’un agriculteur conventionnel et celui d’un agriculteur biologique, pour montrer la différence entre les deux profils. Ces portraits se sont révélés un véritable casse-tête, une vraie chasse aux chiffres. La complexité des aides nous a ralentis et nous nous sommes rendus compte que cette comparaison ne collait pas à notre angle. Nous voulions montrer pourquoi cette aide n’est pas adaptée au biologique et non les différences entre le biologique et le conventionnel. Alors, nous avons changé de stratégie : une frise avec trois types d’agriculteurs différents. Nos trois exploitants suivent un parcours similaire, d’une technique conventionnelle, ils vont passer au biologique puis s’y maintenir. Ce schéma est plus adapté à notre hypothèse de départ. Les aides augmentent lors de la conversion mais finissent par disparaître petit à petit.
Notre principale limite dans ces calculs : avoir utilisé des moyennes au lieu de médianes, impossibles à établir avec les données à notre disposition. La moyenne est influencée par les valeurs extrêmes et manque parfois de représentativité. Nous ne pouvions également pas calculer certaines aides du second pilier de la PAC telles que les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) ou les assurances récoltes par manque de données disponibles et des sous-conditions trop complexes.
2. Autour de notre enquête sur l’eau :
Nous nous sommes procuré via, l’organisme CartoBio, des données de localisation, de répartition et de surface sur les parcelles biologiques et conventionnelles dans la région. Les données ne sont pas disponibles en accès libre. Une demande motivée a été soumise par l’intermédiaire de l’Université Bordeaux-Montaigne. Les fichiers réceptionnés comportaient plus d’1 500 000 de lignes sur l’agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine. Nous avons pu les visualiser sur une carte de la région via le logiciel QGIS avec l’aide de Frédéric Sallet, journaliste data à Sud Ouest. En intégrant les aires d’alimentation de captage (AAC) sur cette même carte (récupérées sur le site Sandre), nous pouvions alors étudier la situation du bio dans ces AAC. Grand problème : presque impossible d’analyser plus d’un million de lignes dans un tableur type Excel. Il a donc fallu diviser les données afin de faire nos calculs.
Les résultats ont confirmé notre hypothèse : la part de l’agriculture bio dans les AAC est inférieure à la part du bio dans toute la Nouvelle Aquitaine alors que l’accent est mis sur ces zones prioritaires. Mais alors, comment rendre ces données visuelles ? La carte interactive s’est présentée comme une évidence. Nous avons établi que choisir 5 AAC représentatives de l’ensemble de la région permettrait de simplifier la compréhension de la carte. Nous avons réalisé cette carte interactive sur le site Flourish.
Contacts :
Confinement et limite de 10 kilomètres obligent, le terrain a été transformé en discussions téléphoniques. Heureusement les différents agriculteurs contactés n’ont pas leur langue dans leur poche. Ils ont répondu avec détails à nos questions. Économistes, directeurs, conseillers… Les experts interrogés ont explicité et complété les données récoltées. Voici la liste de nos sources :
Agriculteurs :
Jonathan Lalondrelle, Secrétaire général de Jeunes Agriculteurs Nouvelle-Aquitaine
Aurélien Cabé, céréalier conventionnel dans les Landes
Gaëtan Bodin, viticulteur non biologique en Charente-Maritime
Sylvain Loustau, maraîcher et céréalier certifié biologique, Ferme Loustau en Pyrénées-Atlantiques
Guillaume Sarraillé, céréalier certifié biologique, Ferme Las Arradits en Pyrénées-Atlantiques
David Richard, maraîcher certifié biologique, Ferme Larqué en Pyrénées-Atlantiques
Tatiana Garcia Aguierre, aviculteur certifié biologique, La Ferme de Got, en Gironde
Experts :
Olivier Raynard, Directeur de la Délégation Poitou-Limousin de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne Franck Michel, économiste de la chambre de Nouvelle-Aquitaine
Etienne Laveau, conseiller de chambre de l’Agriculture Gironde
Conseillère de la chambre de l’Agriculture Charente qui souhaite rester anonyme
Alexandra Langlais, chargée de recherche au CNRS et membre de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).
Nous avons par ailleurs contacté la plupart des forces politiques présentes dans l’hémicycle de la région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi les candidats aux élections de juin 2021. Aucun n’a finalement souhaité nous accorder d’interview.
Ressources data utilisées en open source :
Eau :
-CartoBio : nous ne pouvons pas transmettre les données
-Pacte d’ambition régionale pour l’agriculture biologique https://draaf.nouvelle-aquitaine.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/pacte_signe_cle4a46bc.pdf
-Carte des AAC https://aires-captages.fr/aires-alimentation-captages/carte-des-aac
-Chiffres de l’Agence bio téléchargeables https://www.agencebio.org/vos-outils/les-chiffres-cles/
Outils utilisés pour créer les visualisations : Genial.ly, Flourish, Canva, Datawrapper, OpenRefine, Mapshaper
L’équipe : Juliette Brossault, Luca Campisi, Tom Masson, Fanny Narvarte, Théo Putavy, Lou Surrans
Juliette Brossault, Lou Surrans, Fanny Narvarte, Luca Campisi, Théo Putavy et Tom Masson