Particularités territoriales, conditions d’accès limitées ou encore inégalités par rapport au genre, la formation professionnelle des détenus en France souffre de grandes disparités. Depuis le 1er janvier 2016, ce sont les régions qui sont en charge de ces formations, pour des résultats qui restent modestes. En 2017, seuls 15% des détenus avaient reçu une formation en prison.

« La formation professionnelle des détenus représente une vraie responsabilité pour les régions. Je regrette profondément que certaines aient décidé, pour faire des économies, de se désengager du financement de la formation professionnelle ». C’est par ces mots forts qu’Emmanuel Macron pointait du doigt en mars 2018 la gestion du budget pour la formation pénitentiaire alloué à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Depuis 2016, l’État attribue ainsi aux régions un budget leur permettant de financer et d’encadrer la formation professionnelle en prison. Une fois ces sommes versées, les autorités régionales disposent d’une marge de manœuvre conséquente pour redistribuer ces fonds dans les centres pénitenciers de leur territoire. Si dans certaines régions, la variété des formations s’est accrue et le nombre de détenus formés a augmenté, dans d’autres, l’enveloppe offerte par l’État à été souvent utilisée à d’autres fins. 

La bonne élève Nouvelle-Aquitaine

Cette logique de décentralisation des compétences de l’État remonte à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Dès 2011, l’ancienne région Aquitaine s’était portée volontaire pour expérimenter la gestion et le pilotage de la formation des personnes détenues. Un bilan positif pour la région au vu de l’augmentation du nombre de détenus formés. Grâce à ces années d’expérimentation, la formation des détenus en Nouvelle-Aquitaine s’est développée sur un bon rythme. En 2019, près de 25% des détenus de la région avaient reçu une formation. En plus des modes d’apprentissage classiques proposés dans les maisons d’arrêt, la région teste depuis plusieurs années de nouvelles façons de former ses détenus afin de favoriser leur réinsertion professionnelle à l’issue de leur peine. Dans le cadre de la restauration du fort du Portalet dans le Béarn, des détenus ont ainsi pu suivre une formation en vue d’obtenir un diplôme dans le domaine du bâtiment et de la construction en même temps qu’ils purgeaient leur peine (des peines de deux ans maximum). En semi-liberté, les prisonniers étaient hébergés dans un village de montagne et rentraient le soir dans leur gîte.

Un accès à la formation très disparate

Pour bon nombre de détenus, c’est la complexité administrative de l’accès à la formation professionnelle qui pose problème. CV, lettre au chef de l’établissement, de nombreux incarcérés en situation d’illettrisme ou de grande difficulté de lecture sont exclus des processus de recrutement. De plus, ces formations sont le plus souvent réservées aux détenus purgeant de courtes peines de moins de deux ans, quand les plus lourdes peines sont souvent exclues. Par ailleurs, ces formations représentent souvent un passe-temps brisant un quotidien monotone, une interaction sociale avec d’autres détenus ou parfois avec le monde extérieur. Les diplômés à la sortie restent très peu nombreux et la réinsertion professionnelle très limitée. Pourtant, les études montrent que la formation professionnelle reste le principal rempart contre la récidive quand plus d’un tiers des individus condamnés à de la prison ferme retrouvent le chemin des prisons après en être sorti. 

Une disparité que l’on retrouve également en fonction de la richesse de formations proposées et en fonction du genre des détenus. Très peu nombreuses dans les centres pénitenciers (2,7% des détenus en Nouvelle-Aquitaine), les femmes sont toutefois plus souvent formées que leurs homologues masculins. Cependant, les prisons les plus modestes ne bénéficient pas des infrastructures nécessaires pour former séparément hommes et femmes. C’est pourquoi depuis quelques années, les syndicats plaident pour l’instauration de formations mixtes qui ont déjà fait leurs preuves lors de différentes expérimentations. Malgré ces efforts, les femmes détenues continuent de se voir proposer des formations très peu variées. Quand la population pénitentiaire masculine peut choisir entre cinq formations différentes, les femmes sont cantonnées à des offres uniques comme « métier de la mode” ou “recherche d’emploi”.

Une formation efficace face à la récidive mais peu accessible

Commission pluridisciplinaire

Pas tous emprisonnés à la même enseigne

Les oubliées de la formation professionnelle

Crédit visuels : Mayalen Labéguerie

Philippine Thibaudault, Philippe Peyre, Florian Mestres, Raphaël Lardeur, Joseph Lacroix-Nahmias et Anthony Derestiat