L’agriculture biologique s’impose comme le sujet phare des élections régionales de juin 2021. À gauche, à droite et au centre, tous les candidats s’accordent pour dénoncer la politique d’Alain Rousset depuis 2015. Notre enquête, à partir de plusieurs millions de données, remet en perspective la réalité des financements locaux de l’agriculture, peu adaptés au bio. Elle met en lumière des paradoxes de la pollution des eaux néo-aquitaines, une ressource essentielle aux cultures labellisées.

On sera à 12,5% de bio, je pense.” Le 21 avril 2021, le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie est venu enterrer définitivement les ambitions gouvernementales de 2017, avec l’objectif d’atteindre 15% de surfaces agricoles biologiques entre 2017 et 2022. À l’échelle nationale, la part du bio en France a certes doublé depuis quatre ans, mais le constat d’échec reste quand même amer. 

En Nouvelle-Aquitaine, où les Verts sont parvenus à décrocher la mairie de Bordeaux l’an dernier, les élections régionales de juin prochain s’assurent disputées. La question biologique est un enjeu central d’une campagne qui débute à peine. Nicolas Thierry, candidat d’EELV et vice-président sortant de la région, veut faire de la Nouvelle-Aquitaine “la première région écologique d’Europe” quand Nicolas Florian (LR) et Geneviève Darrieussecq (LREM) font – déjà – ressortir leurs ambitions agricoles et biologiques au fil de leurs premières déclarations. 

Le président sortant de la région Alain Rousset se targue aussi d’un bilan honorable. Par la voix de Jean-Pierre Raynaud (Parti socialiste et apparentés), lors de la dernière séance plénière du 29 mars dernier, il a salué la “marge de progression très intéressante sur les 5 ans qui se sont écoulés.” En parlant d’une réponse à “un vrai besoin”, Jean-Pierre Raynaud a aussi mis en avant “un taux de conversion en 2019 supérieur au territoire français.”

Face à d’autres régions, la Nouvelle-Aquitaine ne s’en sort pas si mal. Elle atteint même la deuxième place du classement national en part de surfaces agricoles utilisées (SAU), représentant 14,8% des surfaces bios en France, comme le montre la carte ci-dessous. 

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Mais de nombreux obstacles freinent cette conversion vers le bio et empêchent d’atteindre les paliers initialement fixés à horizon 2022. Des raisons psychologiques peuvent aussi être à l’origine d’une certaine frilosité à se convertir à l’agriculture biologique. L’idée de conversion de petites exploitations au détriment des grandes est aussi critiquée. David Richard, agriculteur à la Ferme Larqué d’Assat dans les Pyrénées-Atlantiques, convertie au bio en 2008, évoque certaines hésitations. “Passer au bio est une grosse prise de risque. Il faut se poser de nombreuses questions au moment de le faire. Est-ce qu’on va continuer à produire autant ? Est-ce qu’on ne va pas être complètement étouffé par les problèmes sanitaires, les risques de maladies ou encore les ravageurs ? Les inquiétudes liées à un avenir incertain sont importantes.

Crédits Théo Putavy

La hausse de 50% d’agriculture biologique sur le territoire est symbolique. Pour autant, il reste de nombreuses zones dans la région où il est plus difficile de se convertir. Une conseillère de la Chambre d’agriculture de Charente détaille. “Par exemple dans la zone viticole, il n’y a pas de filière Cognac bio pour le moment et donc très peu de conversions. C’est beaucoup plus facile de convertir en biologique les cultures de céréales. Les élevages de bovins et de viandes arrivent en deuxième position.”

Crédit Théo Putavy


De fait, la Nouvelle-Aquitaine n’atteint “que” 7,4 % de surfaces agricoles utiles bio (SAU) en 2019. Et ce chiffre, s’il ne semble pas ridicule en comparaison des autres régions, reste encore bien loin des 15% évoqués et les différences entre départements néo-aquitains sont aussi marquées. 

Les impératifs économiques peuvent aussi effrayer un agriculteur conventionnel à révolutionner sa façon de produire. Pour cette conseillère de la Chambre d’agriculture de Charente, “les agriculteurs comptent beaucoup sur les aides économiques européennes et régionales. Elles constituent un argument solide pour inciter à la conversion vers le bio. Les différentiels de prix conventionnels/bio ne sont pas suffisamment intéressants pour pousser à se convertir.”

Or, ces aides diffèrent en fonction de la taille de la culture, de l’âge, du département et tendent à complexifier les démarches pour une conversion au bio. Derrière la multitude de scénarios possibles pour le versement de ces aides, les subventions sont aussi parfois jugées insuffisantes et même critiquées pour leurs versements aléatoires. Jonathan Lalondrelle, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de Nouvelle-Aquitaine fustige cette position politique. “Nos politiques publiques veulent se donner bonne conscience mais on ne regarde pas ce qu’il y a derrière. Si il n’y a pas d’accompagnement technique, ça ne sert à rien, ces aides ne servent à rien, c’est de l’argent jeté par la fenêtre.” Comprendre que certains agriculteurs peuvent profiter de ce manque de suivi pour toucher les aides et, plus tard, revenir vers le conventionnel…

Dans le cadre de cette enquête, nous avons choisi de nous focaliser sur deux freins précis, deux points intimement liés à l’agriculture biologique, mais qui limitent sa conversion. D’abord, l’enjeu financier qui reste déterminant pour un agriculteur ou un éleveur au moment de se convertir vers l’agriculture biologique. Ensuite, la question de la gestion de l’eau dans la région, un défi pointé du doigt par les candidats de tous bords aux élections régionales.

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Tom MASSON